II. Comment repérer la douleur ?

Les médecins des 16e-18e siècles mentionnent souvent les douleurs de leurs patients sans en préciser les signes exacts. Plusieurs documents nous permettent cependant de recenser les indices de douleur les plus fréquemment observés à l’époque :

  • Les cris et les gémissements sont pris comme des marques évidentes de douleur, notamment chez des personnes incapables de parler. En 1636, le médecin Lazare Rivière évoque ces « plaintes » comme une indication de la « cruauté » de la « douleur de ventre » dont souffre son bébé de 4 moisLazare Rivière, Les Observations de médecine de Lazare Rivière, conseiller et médecin du Roi, et Doyen des médecins en l’Université de Montpellier [1646], trad. du latin par F. Deboze, Lyon, chez Jean Certe, 1680, centurie II, observation XXVII, p. 222..

    Lazare Rivière - La douleur de ventre d’un bébé
  • Les discours théoriques de certains médecins énumèrent les « caractères » de la douleur : le visage est rougi et renfrogné, les sourcils froncés, les dents serrées, on regarde ou presse la partie douloureuse, le pouls s’accélère, les poings sont fermés, les membres rétractés.

    Marin Cureau de La Chambre - Les signes de la douleur corporelle
  • L’agitation et le changement de postures incessant, signe d’une douleur profonde, est appelé « inquiétudePar exemple par Marin Cureau de La Chambre, Les Charactères des Passions, t. IV, De la douleur [1659], Paris, Jacques d’Allin, 1662, p. 167. ».

  • Quand les médecins veulent alerter sur la nécessité vitale de soulager la douleur, ils soulignent ses effets les plus néfastes : veille prolongée ou insomnie ; anorexie ; soif ardente ; « sueurs extraordinaires » ; fièvre ; spasmes et convulsions ; « syncope ».

  • Plusieurs maladies ont pour symptômes des douleurs typiques, qui donnent lieu à une description clinique plus fine : douleurs nocturnes pour les patients syphilitiques ; ou encore grande sensibilité au bruit et à la lumière dans le cas de la migraine.

    Thomas Willis - Des maux de tête rebelles

Ainsi, le faciès, les gestes du malade et certains changements physiologiques permettent de repérer une douleur qui n’est pas rendue visible par une blessure ou des plaintes explicites.

Les lieux de la douleur

Dans son livre La Présence des absents (1642), Théophraste Renaudot propose un modèle de consultation à distance, pour pallier le manque de médecins compétents dans certaines régions.

Le malade doit indiquer au crayon le lieu de la douleur, entourer le terme approprié (douleur, démangeaison, engourdissement, brûlure, piqûre, écorchure, etc.) et préciser si la douleur est petite, moyenne, grande ou insupportableThéophraste Renaudot, La presence des absens ou facile moyen de rendre présent au Médecin l'estat d’un malade absent..., Paris, au bureau d’adresse, 1642, p. 15. Les termes sont identiques pour les hommes et les femmes, mais non les quatre images qui représentent chacun des deux sexes de face et de dos.

Pour le visage, le trait de crayon doit être en pointillé si la douleur est interne ; en trait plein si elle est externe.

Aujourd’hui, on demande parfois à l’enfant de localiser le lieu où il a mal grâce à ce dessin asexué.