III. Les signes de la douleur

Des signes typiques

La douleur est parfois associée à un mouvement de « contractionJean Chicot, « Dialogus de Dolore », Dissertationes Medicae, Paris, Langlois et Alliot, 1656, p. 203 ; Marin Cureau de La Chambre, Les Charactères des Passions, t. IV, De la douleur [1659], Paris, Jacques d’Allin, 1662, p. 76. » et de repli sur soi, auquel correspond un sentiment de compression et d’étrécissement. Les sourcils froncés en sont un trait caractéristique. À l’opposé, la joie correspondrait plutôt à un mouvement d’élargissement et d’effusion.

... et parfois ambigus

Toutefois, les signes de douleur sont parfois ambigus : l’abattement et le silence, voire un léger sourire ou un rire « sardoniqueAmbroise Paré, Les Œuvres, 4e édition, Paris, Gabriel Buon, 1585, 12e livre, chap. XXXVIII, p. 493. », peuvent également être les signes d’une douleur intense ou prolongée. Quand la douleur s’installe, ces signes évoluent et il n’est pas rare qu’un patient, pourtant très affecté, soit réduit au silence. Comme le notent alors certains médecins, une forte douleur peut causer un état de tristesse et un désir de mort qui brouillent les signes habituels.

Dans son Traité du rire (1579), le médecin Laurent Joubert parle de la « grimace risolièreLaurent Joubert, Traité du ris, Paris, Nicolas Chesneau, 1579, p. 277. » comme du signe d’une douleur au diaphragme. Le chirurgien Ambroise Paré (1564), lui, observe chez un soldat récemment opéré un rire sardonique, ou rictus annonçant des convulsions.

La plupart des médecins de la Renaissance, s’interrogeant sur l’ambiguïté de ce rictus, se réfèrent à l’adage d’Erasme qui explique, à la suite de plusieurs auteurs antiques, que le rire « sardonien » est provoqué par une variété toxique de renoncule poussant en Sardaigne : « Certains disent qu’il pousse une herbe particulière dans l’île des Sardes, nommée “herbe sarde”, une sorte de persil. Certes, sa saveur est douce, mais, une fois ingurgitée, elle tord la bouche des hommes en un rictus de douleur, de sorte qu’ils meurent comme s’ils riaient.Érasme, « le rire sardonique » (adage 2401), trad. Geneviève Moreau-Bucherie, dans Les Adages, sous la dir. de J-C. Saladin, Paris, Les Belles Lettres, « Miroir des humanistes », 2011. »