IV. Décrire et mesurer la douleur

Une définition problématique

La douleur est, disent les textes, une perception désagréable, une affection triste ou un sentiment fâcheux. On sait la reconnaître quand on l’éprouve, mais comment la définir précisément ? Certains médecins de l’époque pensent que c’est impossible. Ils essaient cependant de nommer les différentes sensations douloureuses à l’aide d’un abondant lexique.

Au cours du 17e siècle, la douleur corporelle est souvent distinguée de la tristesse, ou douleur morale, sentiment global qui concerne tout l’individu. La distinction entre les deux n’est cependant ni nette ni systématique. Et les médecins notent que, la plupart du temps, la douleur physique provoque un état de tristesse.

Le médecin Gerard van Swieten introduit ainsi son propos sur la douleur : « il est impossible de faire comprendre par le discours ce que c’est que cette perception dans l’âme ; elle n’est connue que de celui qui souffre la douleurGerard van Swieten, Hermann Boerhaave, Aphorismes de chirurgie d’Hermann Boerhaave, commentés par Monsieur van Swieten, traduits du latin en français, Paris, Veuve Cavalier, t. I, 1753, p. 415. ».

Une classification discutée

Pour caractériser les douleurs du corps, plusieurs critères reviennent :

  • Intensité. Les douleurs sont régulièrement qualifiées par les médecins d’extrêmes, cruelles, insupportables, voire inexprimables. En effet, les témoignages des patients et les réflexions des médecins se focalisent généralement sur les douleurs intenses ou persistantes.

  • Durée. Les douleurs peuvent être continues ou discontinues.

  • Lieu. Les douleurs peuvent être fixes (localisées) ou vagues (diffuses). Elles peuvent également être universelles (généralisées).

  • Qualité. Les médecins convoquent en particulier quatre types de douleurs – les douleurs piquantes (comme une aiguille), tensives (résultant d’une tension sans relâche), pesantes (avec un sentiment de pesanteur) et pulsatives (produisant un effet de battement incessant et pénible). Elles peuvent être aussi sourdes, mordantes ou tranchantes. Mais ces adjectifs sont parfois contestés, et aucune classification des douleurs ne fait l’unanimité.

Marin Cureau de La Chambre - Douleur : un mot, mille maux

Les visages de la douleur

Ces images à l’usage des peintres distinguent plusieurs faciès douloureux : « la prunelle se cache sous les sourcilsCharles Le Brun, Jean Audran, Expressions des passions de l’âme d’après les dessins de Le Brun [1619-1690], Paris, Jean Audran, 1727, p. 3. » et la bouche s’entrouvre pour la douleur aiguë ; la bouche est ouverte à demi et les sourcils sont légèrement moins élevés pour la douleur corporelle simple ; les coins des lèvres abaissés et les paupières abattues pour la tristesse.

Aujourd’hui, on utilise des représentations graphiques simplifiées pour aider les enfants à déterminer leur niveau de douleur. Ici, l’échelle de Biéri, à destination de jeunes patients qui ont la consigne suivante : « choisis le visage qui montre combien tu as mal en ce moment ». Les faciès représentent uniquement les degrés d’intensité de la douleur. Les médecins, eux, utilisent l’échelle numérique de 0 à 10 qui est au verso de l’image.