VIII. Pharmacopée

Une pharmacopée ordinaire

Voici des exemples de « remèdes qui apaisent la douleur, ou anodins, outre les hypnotiques et les narcotiquesHenricus Regius, Medicina et praxis medica, editio tertia, Utrecht, Theodori ab Ackersdijck, 1668. » tirés de Regius, auteur d’un traité de médecine pratique du 17e siècle :
des racines, telles que guimauve, lys, mauve,
des feuilles, comme le sureau, la giroflée, l’aneth,
des fleurs : camomille, molène, crocus…
des graines et farines : lin, fenugrec, blé, orge…
des produits animaux, avec le lait, le beurre, le suint, le jaune d’œuf,
des huiles : olive (avec macération de rose ou jasmin), amande douce…

La liste des anodins peut varier. De même que leur mode d’administration. Souvent mélangés avec du vin ou de l’eau de vie, ils pouvaient aussi bien être appliqués localement, par exemple sous la forme de liniment, de cataplasme ou fomentation, que par voie interne, en décoction, électuaire (pâte molle), clystère (voie anale) ou pessaire (voie vaginale).

Pour les douleurs les plus fortes, ces substances étaient mélangées avec du laudanum, une préparation à base d’opium jugée peu coûteuse. Le médecin Paul Dubé (1669) estime que, dans les campagnes, les malades les plus pauvres peuvent s’en procurer aisément.

Les narcotiques

Les médecins recourent alors régulièrement aux plantes narcotiques, comme le pavot à opium et la jusquiame qui, en endormant la sensibilité, suppriment la douleur.

Les médecins recommandent cependant de ne pas les utiliser « témérairement ou sans réfléchirPietro Andrea Mattioli, Commentarii, in libros sex Pedacii Dioscoridis Anazarbei, de medica materia, Venise, Vincenzo Valgrisio, 1554, p. 471. », sous peine de dommages mortels (Mattioli, Commentaires sur Dioscoride). L’une des difficultés est de doser précisément les substances.

Puisque « tout l’Orient et le Midi fait tous les jours usage de l’opium, de la datura, de la bangue [cannabis sativa]…, il est fort triste que quantité de personnes périssent par la violence des douleurs qu’elles éprouvent, pour ignorer quelqu’un de ces remèdes, tandis qu’ils auraient pu en réchapper, si les médecins, convaincus par l’exemple du monde entier, voulaient en faire un usage plus fréquentGerard van Swieten, Hermann Boerhaave, Aphorismes de chirurgie d’Hermann Boerhaave, commentés par Monsieur van Swieten [1742], traduits du latin en français, Paris, Veuve Cavalier, t. I, 1753, p. 468. », écrit le médecin Gerard van Swieten en 1742.

Des remèdes palliatifs ?

Au mois d’août 1715, Louis XIV est atteint de gangrène. La douleur se généralise et devient insupportable. Pour l’apaiser, les médecins prescrivent du lait d’ânesse et des bains aux herbes. L’un des témoins se désole : ce ne sont là que remèdes palliatifs « plus propres à pallier l’embarras des médecins qu’à guérir le maladeLa mort de Louis XIV, Journal des Anthoine publié pour la première fois, éd. E. Drumont, Paris, A. Quantin, 1880, p. 28-30.  ».